KAWS FAMILY au SFMOMA
- Delphine & Romain CLASS
- il y a 15 heures
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Quand la pop culture entre au musée.
À San Francisco, le Museum of Modern Art (SFMOMA) consacre jusqu’en mai 2026 une vaste rétrospective à l’artiste américain KAWS, intitulée KAWS: FAMILY. Cette exposition de plus de 1000m2, marque une étape importante dans la reconnaissance institutionnelle d’un créateur aujourd'hui mondialement connu, Brian Donelly (KAWS) dont le travail oscille entre art urbain, culture populaire et design contemporain.
Longtemps perçu comme un provocateur ou un artiste “commercial”, KAWS est aujourd’hui célébré comme un acteur majeur du pop art du XXIᵉ siècle, capable de concilier émotion, universalité et accessibilité.
L’exposition rassemble plus d’une centaine d’œuvres — sculptures monumentales, toiles, dessins, figurines, collaborations et installations — retraçant le parcours d’un artiste et de ses personnages emblématiques, Companion, BFF, Chum, ou Accomplice, qui ont su transformer les symboles de la culture de masse en véritables icônes de notre temps.
« KAWS brouille les frontières entre le musée et les galeries, entre l’art et la marchandise, entre l’intime et le collectif. »— Ruth Berson, Deputy Director du SFMOMA.
Biographie : de la rue au musée
Derrière le pseudonyme KAWS se cache Brian Donnelly, né en 1974 à Jersey City (New Jersey). Enfant, il est fasciné par les dessins animés et la publicité télévisée — des univers colorés, codifiés, où tout semble joyeux mais derrière lesquels il perçoit déjà une forme de tristesse. Dans les années 1990, il débute comme graffeur, marquant les murs et les affiches de New York de son tag « KAWS » et de ses premiers personnages, reconnaissables à leurs têtes arrondies et à leurs yeux barrés d’un “X”.
Diplômé de la School of Visual Arts de New York en 1996, il commence à détourner des affiches publicitaires : il y colle ses propres figures, mêlant critique de la consommation et sensibilité poétique. Ses interventions, d’abord clandestines, attirent l’attention du monde de l’art, et ses personnages deviennent peu à peu des symboles universels : COMPANION, BFF, CHUM, Accomplice…
Très tôt, KAWS comprend que l’objet commercial peut être une extension naturelle de l’art. En 1999, il collabore avec Medicom Toy au Japon pour produire sa première figurine en vinyle. Le succès est immédiat. Ce sont des séries limitées en général à 500 exemplaires, qui permettent à ses fans d'entrer dans son univers pour un coût raisonnable. À partir de là, son univers s’étend : sculptures monumentales, expositions muséales, collaborations avec Dior, Nike, Uniqlo, Supreme, ou encore des installations géantes à Hong Kong, Séoul et Doha.
« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le graffiti en soi, mais la manière dont une image peut circuler, être vue, possédée, ressentie. »— KAWS, entretien pour Hypebeast, 2024.
Une exposition événement : KAWS: FAMILY
Présentée au SFMOMA à partir de novembre 2025, KAWS: FAMILY constitue la première grande exposition de l’artiste sur la côte Ouest des États-Unis. Elle met en scène un dialogue entre l’art institutionnel et la culture populaire, réunissant des œuvres issues de collections privées et publiques du monde entier.
L’accrochage s’organise en plusieurs sections thématiques :
les origines urbaines de KAWS, à travers ses interventions sur affiches et ses premiers croquis ;
ses séries de toiles aux aplats de couleurs saturées rappelant Lichtenstein et Warhol ;
ses sculptures monumentales en bois, bronze ou aluminium reprenant ses personnages mondialement connus, Companion, BFF, Chum
et enfin, la section la plus emblématique : FAMILY, une œuvre qui incarne sa philosophie visuelle et émotionnelle.
À l’extérieur du musée, une installation gonflable monumentale de son personnage COMPANION — KAWS: HOLIDAY — flotte sur la terrasse, surplombant la baie, symbole d’un art à la fois intime et spectaculaire.
Au cœur de l’exposition trône FAMILY (2021), une sculpture en bronze à l’échelle humaine représentant plusieurs des personnages de KAWS — COMPANION, BFF, et CHUM — réunis en une scène d’intimité. Leur attitude — bras enlacés, têtes inclinées, gestes retenus — évoque à la fois la tendresse, la protection et la fragilité. Derrière leurs visages stylisés se lit une profonde humanité : ces figures sans parole expriment la douceur, la peur et la dépendance que KAWS voit au cœur de toute relation humaine.
« Family est un hommage à l’idée d’appartenance. Même quand on se sent différent, on a tous besoin de se sentir entouré. »— KAWS, propos recueillis par le SFMOMA.
La sculpture, produite à grande échelle, a également été déclinée en figurines en vinyle, disponibles en plusieurs coloris — noir, rose/gris, bleu — et vendues en édition limitée: Kaws Family Black, Kaws Family Grey, Kaws Family Brown. Cette dualité entre œuvre monumentale et objet miniature illustre l’ambition de KAWS : rendre l’art accessible à tous, sans hiérarchie entre la galerie et la maison.
“KAWS Gone” (2019) — La mélancolie en mouvement
Créée en 2019, Gone est une autre sculpture emblématique de l’artiste, représentant COMPANION portant dans ses bras BFF, inerte, comme une figure religieuse contemporaine — une Pietà pop. Ici, l’artiste détourne le registre de la tendresse en l’associant à la perte. COMPANION, symbole de résilience, devient le gardien d’une mémoire, d’une amitié disparue ou d’un amour défunt. Cette œuvre bouleversante, à la fois douce et tragique, a été déclinée en figurines "KAWS Gone", en vinyle, à partir de 2020, devenant l’un des objets les plus recherchés par les collectionneurs.
Dans Gone, la culture populaire cesse d’être légère : elle devient métaphysique. Les figures de KAWS ne rient pas, ne parlent pas, ne jouent pas ; elles portent le poids d’une humanité silencieuse, celle d’un monde saturé d’images mais avide d’émotions sincères.
« Gone transforme le jouet en icône. Derrière la surface lisse du vinyle, il y a une profonde tristesse, une élégie de la modernité. »— Artforum, critique, 2025.
“KAWS Take” (2020) — L’ambiguïté du lien
Avec Take (2020), KAWS poursuit sa réflexion sur les relations humaines. La sculpture met en scène COMPANION aux côtés d’un petit personnage enfantin, dont il semble tenir la main — ou la retenir. Ce geste ambigu, entre protection et possession, évoque la complexité des rapports d’autorité, de transmission et d’attachement. L’œuvre a été présentée en résine polychrome et en figurines en vinyle déclinées dans divers coloris.
Ici encore, KAWS joue sur la tension entre douceur et malaise. Le spectateur est invité à s’interroger : COMPANION protège-t-il l’enfant ou l’empêche-t-il d’avancer ? Cette ambivalence est au cœur de la force émotionnelle de KAWS : il montre sans juger, il émeut sans imposer.
Le langage KAWS : entre critique et tendresse
L’esthétique de KAWS s’inscrit dans la continuité du pop art de Warhol et Lichtenstein, mais elle le dépasse par sa dimension affective. Là où Warhol figeait la société de consommation dans un miroir ironique, KAWS y injecte une chaleur humaines. Ses personnages — hybrides entre mascottes et figures existentielles — incarnent à la fois la solitude moderne et le besoin universel de connexion.
En brouillant volontairement la frontière entre art et produit, KAWS interroge le statut de l’œuvre à l’ère du capitalisme visuel. Ses collaborations commerciales ne sont pas des trahisons, mais des extensions de sa pratique : une façon d’intégrer l’art dans la vie quotidienne, à travers des objets manipulables, collectionnables, vécus.
« L’art de KAWS est une forme de tendresse industrielle. Il parle à la génération des écrans avec les codes du jouet, mais la profondeur de la sculpture classique. »— Le Monde, 2025.
Conclusion : un art universel
À travers Kaws FAMILY, Kaws GONE et Kaws TAKE, KAWS livre une méditation contemporaine sur l’amour, la perte et la filiation. Son univers, à la fois doux et mélancolique, coloré et grave, dépasse le cadre du pop art pour devenir une poésie visuelle du lien humain.
Au SFMOMA, son œuvre s’impose comme un pont entre générations, entre élitisme artistique et culture populaire, entre monumentalité et intimité. Loin d’être une simple exposition, KAWS: FAMILY est une expérience émotionnelle : elle nous renvoie à notre propre humanité, à notre enfance, et à ce besoin essentiel — celui de faire partie d’une famille, réelle ou imaginaire.
« Quand je regarde mes personnages, je vois des émotions que je ne peux pas toujours exprimer. Ce sont mes alter egos silencieux. »— KAWS.
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