Exposition Mehdi Ghadyanloo à la galerie Almine Rech de New York
- Delphine & Romain CLASS
- il y a 3 jours
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Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Le nom de Mehdi Ghadyanloo évoque des paysages mentaux suspendus entre le réel et l’imaginaire, des architectures flottantes où la lumière semble en apesanteur. Après avoir fait vibrer les murs de Téhéran, ce peintre, street artiste iranien revient à New York avec une exposition très attendue : The Sacred Circus – Suspended Myths, présentée à la galerie Almine Rech du 7 novembre au 19 décembre 2025. Cette cinquième exposition personnelle avec la galerie marque une nouvelle étape dans un parcours qui ne cesse d’interroger la mémoire, la solitude et la possibilité de l’espoir dans un monde fragmenté.

Des rues de Téhéran aux galeries du monde
Né en 1981 à Karaj, près de Téhéran, Mehdi Ghadyanloo grandit dans un Iran marqué par la guerre et la censure, mais aussi par un sens aigu du collectif et de la reconstruction. Fils d’un agriculteur et d’une tisseuse, il découvre très tôt le pouvoir de l’image comme échappatoire. Après des études de peinture à l’Université de Téhéran, il obtient une maîtrise en animation — deux formations qui façonneront sa double approche de l’espace : architecturale et narrative, rigoureuse et poétique.
Entre 2004 et 2011, le street artiste se fait connaître par plus d’une centaine de fresques monumentales dans les rues de Téhéran. Ces œuvres, inspirées du trompe-l’œil occidental mais nourries d’une sensibilité orientale, transforment les façades grises de la capitale en fenêtres ouvertes vers des mondes parallèles. Ballons flottants, escaliers vers le ciel, personnages rêveurs : les murs deviennent des respirations dans une ville saturée de béton. Ces interventions publiques, soutenues par la municipalité, révèlent un artiste capable d’allier virtuosité technique et puissance symbolique.
Mais après cette décennie urbaine, Ghadyanloo ressent le besoin d’introspection. Il quitte l’échelle monumentale pour retrouver l’espace intérieur de la toile, un lieu où le silence, la solitude et la lumière prennent une valeur métaphysique.

Le langage visuel de l’illusion et du vide
Sur ses toiles, Mehdi Ghadyanloo compose des espaces clos mais respirants : des boîtes, des tunnels, des couloirs ou des cages ouvertes, souvent traversés par un faisceau lumineux. Ces architectures impossibles rappellent à la fois le surréalisme métaphysique de Giorgio de Chirico, les constructions illusoires d’Escher, et le dépouillement émotionnel du minimalisme américain.
Mais ici, le vide n’est jamais aride : il est habité par la mémoire. Des ballons, des jouets d’enfant, des balançoires ou des cercles colorés flottent dans l’air comme des fragments de rêves égarés. Ces objets, simples et universels, deviennent des reliques de l’enfance — des symboles d’innocence suspendue face à la gravité du monde adulte.
L’artiste explique souvent que ses œuvres parlent de l’entre-deux : entre l’espoir et la nostalgie, entre la lumière et l’ombre, entre la liberté et la contrainte.
« Je peins des lieux qui n’existent pas, mais où chacun peut se retrouver », confiait-il lors d’une précédente exposition à Londres.
“The Sacred Circus – Suspended Myths” : un théâtre des émotions suspendues
Pour sa nouvelle exposition new-yorkaise, Ghadyanloo explore le thème du cirque, non pas comme un espace de spectacle, mais comme une métaphore de la condition humaine. Le cirque est ce lieu où tout est possible — où la beauté et le danger se confondent, où l’équilibre se joue dans la tension du vide. Mais il est aussi un espace éphémère, itinérant, presque sacré dans sa fragilité.

Le titre, The Sacred Circus – Suspended Myths, réunit ces deux dimensions : le sacré, ce qui relie l’homme à une forme de transcendance, et le mythe suspendu, c’est-à-dire ces récits collectifs figés dans le temps, que nous portons en nous sans toujours les comprendre.
À travers une série inédite de peintures à grande échelle, Ghadyanloo convoque des formes familières — trapèzes, anneaux, cordes, lumières en faisceaux — mais les détourne pour créer des scènes de silence et de suspension. Les personnages disparaissent : ne restent que les objets, les ombres, les structures. Tout se passe comme si le spectacle s’était arrêté, laissant place à un moment d’attente, d’équilibre fragile, une respiration entre deux mondes.

Une peinture de la lumière et du silence
La force de Ghadyanloo réside dans sa capacité à peindre la lumière comme un protagoniste. Dans chacune de ses compositions, elle surgit d’un angle invisible, révélant les volumes, creusant les perspectives, ou dessinant une ouverture vers l’extérieur. Ses ombres douces, ses dégradés subtils de gris et d’ocre, sa maîtrise du clair-obscur créent une atmosphère presque cinématographique.
Cette rigueur géométrique n’exclut pas la tendresse. Là où certains peintres de l’abstraction optent pour le froid ou la distance, Ghadyanloo insuffle une poésie du silence, un humanisme discret. Ses espaces vides ne sont pas des absences, mais des promesses de présence.
Entre mémoire et espoir
Bien qu’il évite tout discours politique explicite, Ghadyanloo ne cesse de dialoguer avec son histoire personnelle et celle de son pays. Ses architectures mentales portent les traces invisibles de la guerre Iran-Irak, de la surveillance, de la perte, mais aussi de la résilience et de la capacité de rêver malgré tout. Ses toiles sont des refuges, des lieux de méditation sur ce que signifie rester humain dans un monde contraint.
Dans The Sacred Circus, le cirque devient une métaphore de cette survie poétique : un espace où, malgré le vide et la tension, la beauté persiste, suspendue.

Une étape clé dans un parcours international
Pour la galerie Almine Rech, qui représente l’artiste depuis plusieurs années, cette exposition s’inscrit dans une continuité féconde. Après des présentations remarquées à Londres, Bruxelles et Shanghai, cette nouvelle solo show à New York confirme la place centrale de Ghadyanloo dans la scène contemporaine mondiale.
Son art, à la fois intime et universel, parle à un public large, bien au-delà de ses racines iraniennes. Il transcende les frontières culturelles pour aborder ce qui nous relie tous : la quête de sens, la mémoire des émotions, et la beauté du doute.
Une œuvre pour notre temps
Dans une époque saturée d’images et de bruit, la peinture de Mehdi Ghadyanloo propose un contrepoint rare : le silence, la lenteur, la contemplation. Ses toiles, à la fois rigoureuses et rêveuses, invitent à suspendre le temps — à se souvenir que la lumière peut naître du vide, et que le mythe n’est jamais tout à fait perdu.
À New York, The Sacred Circus – Suspended Myths s’annonce comme une expérience immersive et méditative, un dialogue entre le visible et l’invisible. Dans ce cirque sacré de la mémoire, chacun est invité à retrouver une part de soi, suspendue entre l’ombre et la lumière.
Exposition : The Sacred Circus – Suspended Myths
Artiste : Mehdi Ghadyanloo
Lieu : Almine Rech Gallery, 361 Broadway, New York
Dates : 7 novembre – 19 décembre 2025
Vernissage : 7 novembre, 18h–20h
Site : www.alminerech.com
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