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Dix ans après Dismaland : Banksy et le parc d’attractions du désenchantement

En 2015, Banksy créait l’événement avec un parc d’attractions cauchemardesque installé à Weston-super-Mare, une ville côtière du sud-ouest de l’Angleterre. Dix ans plus tard, retour sur une exposition éphémère devenue mythique, qui a marqué l’histoire du street art et bouleversé le rapport entre art, spectacle et politique.


Dismaland, le parc d'attraction éphémère du street artiste Banksy
Dismaland, le parc d'attraction éphémère du street artiste Banksy

Un parc pas comme les autres

En Août 2015, la petite station balnéaire anglaise de Weston-super-Mare, habituellement prisée pour ses plages familiales et ses fish and chips, devient du jour au lendemain le centre du monde artistique. Derrière des palissades anonymes, Banksy dévoile au public un projet gardé secret jusqu’au dernier moment : Dismaland, « un parc d’attractions pour adultes désenchantés ».

Dès l’entrée, le ton était donné : les visiteurs, accueillis par des agents de sécurité volontairement désagréables, devaient traverser un portique grinçant pour découvrir un univers sinistre et satirique. Au centre, trônait un château en ruine, réplique déglinguée de celui de Disneyland. Autour, s’alignaient une cinquantaine d’œuvres monumentales et installations créées par 58 artistes internationaux, choisis par Banksy lui-même.

Dès l’entrée, Banksy installe le malaise : un parc d’attractions qui n’accueille pas, mais qui repousse. Devant une palissade grise surmontée du panneau Dismaland écrit en lettres lumineuses bancales, des visiteurs patientent sous la pluie. Des agents de sécurité, expression fermée, fouillent leurs sacs. « C’était un Disneyland qui aurait mal tourné », se souvient Laura Bennett, guide locale. « Rien n’était pensé pour rassurer, tout était conçu pour provoquer un malaise. »


Le carrosse de Cendrillon, revisité dans une version accidentée et renversé, par Banksy.
Le carrosse de Cendrillon, revisité dans une version accidentée et renversé, par Banksy.

Des œuvres-chocs pour une société en crise

Le parcours confrontait le visiteur à une succession de visions dystopiques.Cendrillon accidentée :

-une installation grandeur nature montrant la princesse gisant dans son carrosse renversé, assaillie par les flashes de paparazzis immortalisant sa chute. Banksy détourne le conte pour dénoncer la fascination morbide des médias pour la tragédie et la mort.

-Le bassin des migrants : un bassin sombre, un plan d’eau rempli de bateaux miniatures surchargés de figurines, illustrant le drame des réfugiés en Méditerranée. Le drame de la Méditerranée transposé en jouet cruel, miroir de l’indifférence des spectateurs.

-Les manèges absurdes : un carrousel détraqué (devenu par la suite une des œuvres les plus connues de l’artiste), une fontaine à l’eau noire, ou encore un stand de tir visant des effigies de Mickey et de Ronald McDonald. Un manège tourne lentement : sur ses chevaux en plastique, les enfants s’amusent, mais une figurine de boucher manipule des carcasses pendues juste à côté. Derrière l’innocence du jeu, Banksy rappelle les horreurs cachées de la société de consommation.

-Au centre du parc, une réplique du château de Disney, mais dans une version délabrée et noircie, se dresse au-dessus du plan d’eau. Ses tourelles effritées et ses murs fissurés contrastent avec l’image idéalisée des contes de fées.

-L’installation de Damien Hirst. Un bassin vitré où flotte un requin en plastique suspendu, pastiche du célèbre The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living. Damien Hirst, ici invité de Banksy, joue la parodie de son propre art pour accentuer la satire générale.

-Les messages lumineux de Jenny HolzerDes maximes ironiques en lettres LED rouges couvrent les murs : « PROTECT ME FROM WHAT I WANT » ou « MONEY CREATES TASTE ». Les slogans corrosifs de Jenny Holzer, intégrés à l’univers du parc, renforcent la charge politique.

-Le personnel volontairement hostile. Des employés en gilet orange, blasés, donnent des indications sèches aux visiteurs. Ici, pas de sourire forcé : le personnel participe à l’expérience immersive en accentuant l’oppression.

« On passait du rire à l’inconfort en quelques secondes », raconte Mark, un visiteur britannique. « On savait qu’on se divertissait, mais en même temps, on ne pouvait ignorer la gravité des thèmes. »


Spectacle aquatique issu de toilettes.
Spectacle aquatique issu de toilettes.

Un succès mondial

En seulement cinq semaines d’ouverture, Dismaland a accueilli près de 150 000 visiteurs. Les billets, vendus en ligne à 3 £, étaient épuisés en quelques heures, et la revente clandestine atteignait parfois dix fois le prix d’origine.

La presse internationale a largement relayé l’événement : The Guardian parlait d’un « antidote parfait au divertissement aseptisé », tandis que le New York Times évoquait « une leçon de politique contemporaine déguisée en parc à thème ».

« C’était la première fois qu’on voyait un projet artistique de cette ampleur attirer autant de visiteurs dans notre ville », explique Martin Jones, conseiller municipal. « Tout le monde parlait de la ville de Weston, et pas seulement pour sa jetée. »


Héritage et influence

Dix ans plus tard, Dismaland continue de nourrir les imaginaires et d’inspirer des expositions immersives à travers le monde. Le modèle du « parc d’attractions inversé » a été repris par de nombreux collectifs et institutions.

« Avec Dismaland, Banksy est passé du statut de street artist à celui de metteur en scène global », analyse Patrick Flanagan, historien de l’art. « Il ne s’agissait plus seulement d’un pochoir sur un mur, mais d’un univers complet où chaque détail participait au récit. »


Ce qu’il en reste

L’exposition n’a jamais été reproduite ni réouverte. Après sa fermeture, une partie des structures a été démontée et envoyée à Calais, pour servir de matériaux dans le camp de migrants de la « jungle ». Une manière, comme souvent dans son œuvre, pour Banksy de transformer l’éphémère en engagement social.

« Ce qui est unique avec Banksy, c’est qu’il fait de l’éphémère une force unique », souligne Sarah Klein, critique d’art. « Dismaland n’existe plus, mais il hante encore les imaginaires des amateurs d’art et du public en général. » Chiffres clés :

  • Ouverture : 21 août – 27 septembre 2015

  • Lieu : Weston-super-Mare, Angleterre

  • Durée : 5 semaines

  • Artistes participants : 58 (dont Damien Hirst, Jenny Holzer, Jimmy Cauty)

  • Visiteurs : 150 000

  • Retombées économiques locales : 20 millions £


Œuvres emblématiques :

  • Cendrillon accidentée : critique de la célébrité et des médias

  • Bassin des migrants : allégorie de la crise humanitaire

  • Carrousel dystopique : satire de la société de consommation

  • Messages lumineux de Jenny Holzer : slogans ironiques dénonçant le capitalisme


La célèbre œuvre "Petite fille au ballon", de Banksy. Retrouvez ici les œuvres de Banksy proposées chez Class Art Biarritz.
La célèbre œuvre "Petite fille au ballon", de Banksy. Retrouvez ici les œuvres de Banksy proposées chez Class Art Biarritz.

Biographie de Banksy

Banksy est un artiste de rue britannique dont l’identité exacte reste inconnue à ce jour. Né probablement à Bristol, en Angleterre, dans les années 1970 (certaines sources avancent 1973 ou 1974), il émerge dans les années 1990 comme figure marquante du street art.

Banksy aurait commencé son parcours artistique au sein de la scène underground de Bristol, influencée par la culture punk et le graffiti new-yorkais. Inspiré par des pionniers comme Blek le Rat, il développe une esthétique distinctive qui combine graffitis, pochoirs et messages politiques.

L’artiste se distingue par l’usage systématique du pochoir, qui lui permet de travailler rapidement dans l’espace public et de contourner la légalité. Son œuvre se caractérise par une ironie mordante et une critique sociale, politique et économique.

Les thèmes récurrents incluent :

  • la guerre et le militarisme,

  • la consommation de masse et le capitalisme,

  • la surveillance et le contrôle social,

  • les inégalités et les injustices,

  • l’enfance comme symbole d’innocence et d’espoir.

Son style visuel est simple, mais ses images frappantes véhiculent des messages universels.

Parmi ses œuvres les plus connues figurent :

  • Girl with Balloon (La petite fille au ballon rouge), devenue un symbole d’espoir et d’innocence,

  • Flower Thrower (L’homme lançant des fleurs), une relecture pacifiste de l’iconographie révolutionnaire,

  • There Is Always Hope, slogan peint à Londres,

  • ses fresques en Cisjordanie, dont celles sur le mur de séparation israélien, qui ont eu un retentissement international.

Banksy entretient une relation ambivalente avec le marché de l’art. Bien que ses œuvres se vendent à des prix records, il critique ouvertement la marchandisation de l’art. En 2018, lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s, son œuvre Girl with Balloon s’auto-détruit partiellement juste après son adjudication, devenant Love is in the Bin. Ce coup d’éclat a renforcé sa légende.

Au-delà de l’art, Banksy mène des actions engagées. Il a réalisé des interventions dans des camps de réfugiés (comme à Calais en 2015) et soutient diverses causes humanitaires et sociales.

Banksy est aujourd’hui considéré comme l’un des artistes contemporains les plus influents. Sa capacité à rester anonyme, tout en suscitant un engouement mondial, fait partie intégrante de son mythe. Ses œuvres interrogent la société, la politique et le rôle de l’art dans l’espace public.

 
 
 

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