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Banksy et « La Petite Fille au Ballon » : l’itinéraire d’une icône mondiale

Parmi les œuvres les plus emblématiques de l’artiste anonyme Banksy, La Petite Fille au Ballon (Girl with Balloon) occupe une place singulière. Depuis son apparition dans les rues de Londres, cette image est devenue une véritable icône du street art, reproduite, détournée et célébrée à travers le monde. Mais derrière cette fillette et son ballon rouge se cache toute une réflexion sur la fragilité des rêves, la marchandisation de l’art et la puissance universelle des images.


Petite Fille Au Ballon, Londres, 2002, Banksy. Source : wikipedia
Petite Fille Au Ballon, Londres, 2002, Banksy. Source : wikipedia

Un pochoir sur un mur de Londres : la naissance d’un symbole

C’est en 2002, sur le pont de Waterloo à South Bank, à Londres, que Banksy réalise pour la première fois cette œuvre au pochoir. Sur un mur gris, une fillette tend le bras vers un ballon rouge en forme de cœur, qui s’échappe dans le ciel. L’image frappe par sa simplicité : peu de couleurs, des formes épurées, mais une force émotionnelle immédiate. Le ballon peut être lu comme un symbole d’innocence, d’espoir, de liberté ou de perte.

Cette œuvre résume parfaitement la démarche de Banksy : une esthétique accessible à tous, implantée dans l’espace urbain, qui invite les passants à réfléchir sur le monde qui les entoure. Dès sa création, La Petite Fille au Ballon devient un emblème du street art britannique, photographié, partagé et reproduit bien au-delà de Londres.

 

La déclinaison en sérigraphie : de la rue au marché de l’art

Face à l’engouement, Banksy décide en 2004 de produire des sérigraphies de l’œuvre, en éditions limitées. Ces tirages marquent une étape cruciale dans la trajectoire de l’image : conçue pour être gratuite et accessible dans la rue, elle devient désormais un objet de collection. Chaque exemplaire est prisé par les amateurs d’art contemporain, parfois adjugé à des centaines de milliers d’euros dans des ventes aux enchères.

Cette évolution met en lumière le paradoxe central du travail de Banksy : comment un artiste qui dénonce la société de consommation et les dérives du capitalisme voit-il ses œuvres devenir des objets spéculatifs au sein même du marché qu’il critique ? Plutôt que d’y voir une contradiction, Banksy s’en amuse et en joue, brouillant les frontières entre art populaire et art marchand.

 

Le coup de théâtre des enchères : Love is in the Bin

En octobre 2018, l’histoire de La Petite Fille au Ballon bascule définitivement. Lors d’une vente chez Sotheby’s à Londres, une version encadrée de la sérigraphie est adjugée pour plus d’un million de livres sterling. Mais à peine le marteau tombé, un mécanisme caché dans le cadre se déclenche : l’œuvre commence à passer à travers une déchiqueteuse intégrée, détruisant la moitié inférieure de l’image.


Image © Sotheby's / Love Is In The Bin © Banksy 2021
Image © Sotheby's / Love Is In The Bin © Banksy 2021

Sous les yeux stupéfaits du public, Banksy signe ainsi l’un des coups d’éclat les plus spectaculaires de l’histoire de l’art contemporain. L’œuvre, rebaptisée Love is in the Bin (« L’amour est dans la poubelle »), ne perd pas de valeur : au contraire, elle en gagne, devenant un symbole de la critique radicale de l’artiste envers le marché de l’art. Ce geste performatif, à la fois ironique et poétique, illustre parfaitement l’esprit de Banksy : subvertir le système tout en le nourrissant de ses contradictions.


Les multiples reprises : un motif universel


Depuis sa création, La Petite Fille au Ballon a été reprise et détournée à de multiples reprises, par Banksy lui-même et par d’autres artistes ou militants.

  • Chris Levine, artiste britannique, a transformé l’image en installation lumineuse, lui donnant une dimension immatérielle et poétique.

  • Lors du référendum sur le Brexit, l’œuvre a été réinterprétée avec un ballon aux couleurs de l’Union européenne, symbole de l’espoir perdu d’une génération.

  • Des ONG et associations humanitaires ont utilisé la fillette et son ballon pour sensibiliser le public à des causes urgentes, comme la crise des réfugiés syriens, renforçant le statut de l’image comme emblème universel de l’espoir et de la solidarité.

L'œuvre "La Petite Fille au Ballon" est aussi déclinée sous forme de skateboard ou autre. Ces multiples versions montrent à quel point l’œuvre a dépassé le cadre strictement artistique pour devenir un langage visuel partagé, immédiatement compréhensible, utilisé pour porter des messages politiques, sociaux et humanitaires.


L’absence de copyright : entre anonymat et appropriation


Une autre particularité de Banksy réside dans l’absence de copyright officiel sur ses œuvres. En effet, son anonymat l’empêche de déposer ses créations à son nom sans révéler son identité. Cela rend juridiquement ses œuvres vulnérables aux reproductions et détournements, ce qui explique la prolifération d’images dérivées dans la culture populaire et commerciale.

Pour pallier ce problème, Banksy a créé l’organisation Pest Control, qui délivre des certificats d’authenticité aux œuvres originales. Si cette structure protège les acheteurs contre les contrefaçons, elle ne confère cependant pas de droit exclusif d’utilisation de l’image. Ce paradoxe contribue à la diffusion massive de ses créations, qui circulent librement, mais aussi à leur puissance iconique : elles appartiennent à tout le monde, tout en restant sous le contrôle symbolique de l’artiste. On prête même à l’artiste la citation « copyright is for loosers » …


Biographie de Banksy : le mystère derrière le pochoir


Banksy demeure l’un des artistes les plus mystérieux de notre époque. Probablement né à Bristol dans les années 1970, il commence à graffer au début des années 1990 dans la scène underground locale. Influencé par le mouvement punk et les graffeurs de sa ville, il développe un style personnel basé sur le pochoir, qui lui permet de travailler rapidement et efficacement dans l’espace urbain.


Son œuvre est marquée par un humour noir et une charge satirique constante : il s’attaque à la guerre, aux injustices sociales, à la surveillance de masse, à la société de consommation et aux dérives du capitalisme. Sa notoriété s’étend rapidement au-delà du Royaume-Uni, avec des interventions à New York, Paris, Gaza ou encore Londres.


Banksy ne se limite pas au graffiti : il a créé des installations spectaculaires comme Dismaland (2015), un parc d’attractions dystopique critiquant la société du spectacle, ou le Walled Off Hotel à Bethléem (2017), situé au pied du mur de séparation israélien. Il est également le réalisateur du film Exit Through the Gift Shop (2010), présenté à Sundance et nommé aux Oscars, qui brouille encore les frontières entre fiction et documentaire.

L’anonymat de Banksy fait partie intégrante de son œuvre : il nourrit le mythe, lui permet de garder sa liberté créative et protège le message politique de ses créations.


Récemment, Banksy a fait parler de lui avec une nouvelle intervention à Londres, sur le mur du Royal Courts of Justice (les Tribunaux Royaux de Justice), dans le centre de la ville. L’œuvre est apparue autour du 8 septembre 2025, peinte sur un mur extérieur du bâtiment appelé Queen’s Building, qui fait partie du complexe des tribunaux. Le visuel représente un juge coiffé d’une perruque traditionnelle et vêtu de la robe noire, en train de frapper avec un marteau de juge (gavel) un manifestant désarmé, allongé au sol, tenant une pancarte ensanglantée. Le sang sur la pancarte est la seule touche de couleur dans l’œuvre, le reste étant en noir et blanc. Banksy a publié une photo de l’œuvre sur Instagram, avec pour légende « Royal Courts Of Justice. London. », ce qui sert de confirmation d’authenticité dans sa pratique habituelle. Le contexte semble lié aux récentes arrestations — près de 900 personnes — lors d’un rassemblement à Londres en protestation contre l’interdiction du groupe activiste Palestine Action. Bien que Banksy n’ait pas explicitement dit que c’était une représentation de cet événement, beaucoup y ont vu une critique de la répression des manifestations. Mais très vite, les autorités ont réagi : le mur étant celui d’un bâtiment classé (statut de patrimoine historique), il est obligé de préserver l’intégrité architecturale. Le bâtiment est Grade II listed (et le complexe plus ancien). L’œuvre a été couverte, entourée de barrières, protégée temporairement, puis retirée/effacée dans les jours suivants.

Œuvre de Banksy sur le « Royal Court of Justice », septembre 2025, avant sa destruction par les autorités britanniques.
Œuvre de Banksy sur le « Royal Court of Justice », septembre 2025, avant sa destruction par les autorités britanniques.

Conclusion


De son apparition sur un mur de Londres à sa transformation en Love is in the Bin, en passant par ses déclinaisons multiples et son absence de copyright, La Petite Fille au Ballon incarne à elle seule l’esprit de Banksy : poétique, accessible, ironique et profondément subversif. Elle illustre le pouvoir des images simples à toucher un public universel et à devenir des symboles de résistance, d’espoir ou de critique sociale.

Plus qu’un ballon rouge qui s’échappe des mains d’une fillette, c’est un morceau d’histoire de l’art contemporain, et l’une des images les plus puissantes du XXIᵉ siècle.

 


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