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Disparition de la mosaïque Invader du phare de la Barre à Anglet

C’est une disparition qui ne passe pas inaperçue. L’une des œuvres les plus emblématiques du street artiste français Invader, installée depuis plus de six mois sur le phare de la jetée de la Barre, à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), a été arrachée dans le courant du mois de juillet. Les promeneurs, habitués à croiser ces petits aliens pixelisés typiques de l’artiste, ont été surpris de découvrir l’espace désormais vide, marqué seulement par des traces de colle et de ciment. Une disparition regrettée autant par les habitants que par les amateurs d’art urbain.


La mosaïque du street artiste Invader posée sur le phare de la Barre, dans le Pays Basque
La mosaïque du street artiste Invader posée sur le phare de la Barre, dans le Pays Basque

Une œuvre iconique du littoral basque

 

Installée sur le phare en béton brut, l’œuvre représentait l’un des fameux personnages inspirés du jeu vidéo Space Invaders, composé de carreaux de mosaïque colorés. Depuis sa pose, elle faisait partie du paysage angloy, scrutée par les surfeurs, photographiée par les touristes, et recensée par les passionnés de la « chasse à l’invader », cette quête urbaine internationale qui pousse certains à parcourir le monde pour retrouver les traces de l’artiste anonyme. Positionnée à la pointe de la jetée, à l’entrée de l’Adour, la mosaïque occupait un emplacement à la fois symbolique et discret : un point de passage entre la terre et la mer, dans une zone où l’art contemporain s’invite parfois de manière inattendue. C’est une des œuvres iconiques de l’invasion du Pays Basque, réalisée en Novembre 2024, et qui compte une soixantaine d’œuvres, principalement posées à Biarritz et Bayonne.



Mosaïque du street artiste Invader arrachée du phare de la Barre
Mosaïque du street artiste Invader arrachée du phare de la Barre

Vol ou dégradation ?


À ce jour, les circonstances exactes de la disparition ne sont pas encore éclaircies. Vol organisé ou simple acte de vandalisme ? Les autorités locales n’ont pas encore communiqué officiellement. Certains évoquent un arrachage méticuleux, laissant penser à une tentative de revente — certaines œuvres d’Invader peuvent se vendre plusieurs milliers d’euros sur le marché parallèle de l’art urbain. Cependant, devant la recrudescence des faux, elles deviennent très difficiles à revendre.



D'autres évoquent un acte de vandalisme sans but lucratif, peut-être lié à l’exposition accrue du lieu ces dernières années.

Des riverains rapportent avoir vu récemment des personnes s’affairer autour du phare en dehors des heures de marée habituelles, sans toutefois pouvoir affirmer leur implication.

 

La réaction en chaîne des amateurs de street art


Cette disparition ne concerne pas uniquement Anglet. À l’échelle nationale et internationale, les amateurs de street art sont familiers de ces pertes. Le travail d’Invader, par sa visibilité et sa popularité, est souvent la cible de collectionneurs peu scrupuleux ou de vandales. Plusieurs œuvres ont été volées ou détruites à Paris, Londres, Los Angeles, ou encore Tokyo.

Mais chaque disparition est un événement en soi. Les communautés de fans documentent, cartographient et parfois restaurent certaines pièces.



Sur l’application FlashInvaders, qui permet de géolocaliser les œuvres de l’artiste et de collectionner virtuellement leurs photos, l’œuvre d’Anglet était l’une des plus prisées du Sud-Ouest. Depuis sa disparition, elle est désormais marquée comme « inactive », un sort réservé aux mosaïques disparues.


Une municipalité entre admiration et retenue


Interrogée officieusement, la mairie d’Anglet dit « regretter la perte d’un élément patrimonial non officiel, mais profondément apprécié ». L’ambiguïté demeure : comme dans de nombreuses communes, les œuvres de street art sont souvent installées sans autorisation, mais acceptées avec le temps, voire valorisées touristiquement. Invader ne déroge pas à la règle. Il agit dans l’illégalité, mais ses interventions sont rarement effacées par les villes qui les accueillent.


Il reste à savoir si Anglet envisagera une action symbolique — comme une invitation au ré-envahissement — ou la mise en valeur du vide laissé par l’œuvre disparue, à l’image de certaines villes qui ont transformé l’absence en acte mémoriel.


D’autres œuvres de l’artiste ont également fait l’objet de dégradations ces dernières semaines. La pieuvre posée sur la plage du Port Vieux à Biarritz a également disparu (BAB_41). Idem pour le Space au parasol (BAB_07) au pied de l’hôtel du Palais.


Mosaïque Invader, Grande Plage, Biarritz

Le street art, entre permanence et disparition


La disparition de la mosaïque d’Invader à Anglet rappelle la vulnérabilité de l’art urbain. Si la rue est un musée à ciel ouvert, elle est aussi un espace d’exposition éphémère. Les œuvres y vivent à découvert, soumises aux intempéries, aux regards, à la répression ou à la convoitise.

Mais c’est aussi cette fragilité qui fait la force du street art : chaque œuvre est un instant, une rencontre, un moment partagé entre un lieu et un regard. Et quand elle disparaît, elle laisse derrière elle plus qu’un vide : une trace dans les esprits, et parfois l’espoir d’une réapparition.

 

Qui est Invader ?


Né à Paris en 1969, Invader est l’un des artistes urbains les plus connus au monde. Sa véritable identité demeure inconnue du grand public. Diplômé de l’École des Beaux-Arts, il entame sa carrière à la fin des années 1990 en collant dans les rues de la capitale des mosaïques inspirées des graphismes 8-bit des jeux vidéo d’arcade, notamment Space Invaders.


Son projet artistique, baptisé Space Invaders, repose sur l’idée d’« envahir » les villes par la pose clandestine de ses œuvres. À ce jour, Invader a installé plus de 4 000 mosaïques dans plus de 80 villes à travers le monde, de Paris à Bangkok, en passant par Rome, Miami, Le Cap, Tokyo ou encore São Paulo.

Chaque œuvre est soigneusement cartographiée et documentée par l’artiste, qui publie également des livres, des cartes, des vidéos et une application mobile (FlashInvaders) permettant aux fans de « capturer » les mosaïques photographiées comme dans un jeu vidéo. Il a aussi mené des projets inédits, comme le lancement d’un « Invader » dans la stratosphère, ou l’installation d’une œuvre sous-marine au large de Cancún.

S’il reste dans l’anonymat, Invader s’est imposé comme une figure centrale du street art contemporain, à la fois admiré pour son audace, sa régularité et sa cohérence esthétique. Il interroge à sa manière la place de l’art dans l’espace public, la notion de collection, et la tension entre œuvre illégale et reconnaissance institutionnelle — plusieurs de ses pièces ont d’ailleurs été acquises par des musées d’art moderne, comme le MAMCO à Genève ou le MOCA de Los Angeles.

 

A partir de l'an 2000, Invader a commercialisé sur son site internet des kits d'invasion (kit Invader où Invader kit) prêts à l'emploi. Il s'agit de mosaïques pré-assemblées, constituées d'une centaine de carreaux, mises sous sachet anti-statique de protection, qu'il n'y a plus qu'à coller où on le souhaite. La démarche à l'origine était de pouvoir faire participer tout à chacun à l'invasion, et que tout le monde puisse avoir un Invader chez soi, dans sa rue, sur son bâtiment etc. On peut d'ailleurs lire 'Bonne invasion' sur les kits. Mais le fait que ces kits étaient commercialisés en nombre limité authentifiables par un numéro unique et certains même signés par l'artiste, les a transformés en objets de collection dont la valeur ne fait qu'augmenter, en particulier depuis quatre ou cinq ans. Très peu ont donc trouvé leur place dans la rue et ils font essentiellement partie de collections privées.


A ce jour, il existe 18 kits d'invasion: Albinos, Blue Octopus, Hollywoodee, Rubik Space, Atari, Runner, Union Space, Third Eye, Hypnotic Vienna, Paris, Blue, Home, Made In Japan, 3D Vision, Glow In The Dark, Flash, MSF, Los Angeles.

 

Ces œuvres, les kits d’invasion Invader (où kits Invader), sont commercialisées chez Class Art Biarritz. Retrouvez ici les kits d’Invader proposées à la vente.


Et maintenant ?


À Anglet, le vide laissé par la mosaïque suscite un débat discret mais réel : faut-il restaurer l’œuvre ? En appeler à l’artiste ? Préserver les autres traces d’art urbain présentes sur le territoire ? La disparition soulève aussi une prise de conscience sur la richesse du patrimoine urbain non officiel, celui qui ne se réclame d’aucune institution, mais qui façonne notre rapport sensible aux lieux.

 
 
 

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